Lettre au grand frère : Rigobert Song Bahanag

Meyega ohhh Mbombo ! J’espère que tu vas bien et que ma lettre te trouve dans de bonnes dispositions mon grand frère préféré.
Je sais que ce n’est pas évident
aujourd’hui avec les problèmes des Lions mais il faut quand même que tu
penses de temps en temps à la famille restée ici à Nkeng-Likock.
Toi-même tu sais que les gens me demandent de les faroter ici comme ci
moi j’ai joué au football. C’est vrai que tout ça c’est ta faute car la
dernière fois, pour décharger les papas et les mamans du village, tu
leur avais dit de me voir car tu allais tout gérer avec moi. Mais depuis
là je t’appelle tu ne décroches pas alors que tu m’as laissé dans les
problèmes ici au village. Moi je voulais me fâcher de toi mais on m’a
expliqué que ce n’est pas par chicheté que tu ne me donnes pas l’argent,
mais parce que tu n’as rien et que toi-même tu arrives à peine à
joindre les deux bouts. J’ai bagarré quand on m’a dit ça mais on a
réussi à me convaincre en me racontant que tu es revenu de Paris l’autre
jour par CamairCo alors le dernier joueur de la sélection voyage en Air
France. Tu vois alors que si tu avais quand même pensé aux gens du
village quand tu étais encore toi-même, tu pourrais replier ici au
village quand c’est chaud comme ça.
En tout cas je comprends maintenant
pourquoi tu as pactisé avec tes anciens ennemis de la Fécafoot qui t’ont
pourtant longtemps diabolisé et qui ont propagé la légende du 9.8.4.
avec tes frères de l’époque. J’ai d’abord été surpris que tu acceptes le
poste de team manager qu’ils t’ont proposé mais quand on m’a expliqué
que tu es foiré, j’ai compris et je ne t’en veux pas mon grand. N’est ce
pas tout le monde part de son village pour aller en ville chercher
l’argent ? Mais les gars de Tsinga là t’ont quand même Sali hein mon
grand préféré ! Nous on sait ici au village que ce sont eux qui t’ont
retiré le brassard et qui ont même dit au coach français là de ne pas
t’emmener à la coupe du monde. Notre tonton qui travaille au ministère
des Sports et qui me donne souvent les informations de la ville m’a dit
que sans ton ancien frère le « 9 », le blanc qui était entraîneur là
t’aurait barré. Mais ce qui m’a étonné c’est qu’il m’a aussi dit que
même comme tu es son fils là, il a toutes les preuves que c’est toi qui a
gâté la coupe du monde du Cameroun. Il m’a dit que tu avais monté le
I.C.K, A.E, S.M et même notre neveu A.S. pour saboter la compétition et
ainsi te vengé du fait qu’on t’avait retiré le brassard. Mais tu sais
que je ne crois pas moi les choses comme ça, mais comme c’est le tonton
là lui-même qui racontait, j’étais seulement dépassé. Mais j’ai ainsi
compris pourquoi les gens de Tsinga avaient engagé une campagne de
sabotage contre toi et les autres gars. J’ai surtout compris pourquoi le
jour de ta conférence de presse d’au revoir à Yaoundé, même les
plantons de la maison de Tsinga n’avaient pas mis les pieds au Hilton.
Et aujourd’hui on me dit que vous fonctionnez ensemble et même qu’ils
t’ont recruté pour que tu combattes ton ancien frère. En tout cas ça ce
sont vos affaires là bas en ville. Moi ici même manger me dépasse alors
que j’ai mon frère que je croyais milliardaire et mon neveu qui est
riche comme Crésus. Je suis la risée du village à cause de ton « nguémé »
et de la chicheté de notre neveu.
Eh Mbombo, le tonton m’a aussi dit un
truc qui m’a achevé seulement. Je lui ai dit que comment il peut dire
que tu es fauché alors qu’on m’a dit que tu as construit l’un des plus
beaux immeubles de Yaoundé et que le total des loyers mensuels là bas
n’est pas en dessous de 10 millions. Il a rit et m’a dit que c’est
l’extérieur qui est fini et que l’intérieur va encore demander beaucoup
d’argent mais que malheureusement tu n’en n’as plus. Je lui ai dit qu’il
avait la mal-bouche et que même si ça prend encore 2 ans, un jour un
jour ça va finir. C’est là qu’il m’a dit que le terrain même là où tu as
construit ton immeuble ne t’appartient pas, encore moins à ta femme. Il
m’a dit qu’il a bien vérifié et que c’est le terrain de ta belle
famille qui, un beau matin, peut décider de te virer de là. Mais si ce
qu’il dit est vrai, c’est très grave Mbombo. Je savais que tu n’étais
pas très malin, mais là, si c’est vrai, c’est que tu as fait fort mon
grand. On va dire quoi au village ? Je vais finir par croire que les
Mbombog ici t’ont attaché hein ! Il paraît que comme tu leur donnes
toujours les faux rendez-vous, ils sont trop fâchés. En plus, lors de la
célébration de ton 10ème anniversaire de capitanat dans les Lions, tu
as eu l’occasion de te rattraper mais là encore, tu les as lobés et je
ne sais pas comment on va faire pour arranger ça. Et comme en plus notre
mère préfère aller chez son pasteur T.E. à Yaoundé au lieu de venir
voir les ancêtres et les Mbombogs, ça va être compliqué.
Mais « Magnan », c’est quoi même encore
les nouvelles qui nous parviennent ici au village. Certains journaux et
sites Internet racontent que c’est toi qui es à l’origine de la crise
actuelle dans la tanière des Lions indomptables. Tu sais que comme les
gens ont ton macabo ici au village, ils sont contents que tu sois en
difficulté mais moi je suis ton frère et je te soutiendrai quoi qu’il
arrive. Mais toi aussi fais attention à ce que tu fais mon grand.
Comment toi aussi tu peux vouloir créer ton clan dans la tanière avec
des joueurs moyens ou qui sont remplaçants dans leurs clubs ? Quand on
veut même faire le coup d’Etat, on s’appuie quand même sur des
lieutenants expérimentés, pas sur des soldats peureux et sans
consistance. Et en plus, toi-même tu sais que la Fécafoot est vomie par
tous les Camerounais et c’est avec eux que tu choisis d’aller
t’associer. Toi tu as passé 17 années dans les Lions, dont 10 comme
capitaine, tu t’es construit une image de patriote et tu as accumulé un
capital sympathie incroyable dans le pays et en Afrique. Comment toi
aussi tu ne réfléchis pas mon grand ! En t’associant avec les gars de la
Fécafoot et en jouant leur jeu, tu es en train de gaspiller tout ce que
tu as accumulé comme sympathie et je te jure que le peuple va te
renier.
Mais après aussi je comprends que comme
notre tonton a dit que tu es fauché, il te faut de l’argent. Et comme
l’argent n’a pas de couleur, tu es prêt à tout pour en avoir un peu.
Mais honnêtement, même si tu te fâches, je pense qu’il y a avait
d’autres moyens d’avoir l’argent sans avoir à t’accoquiner avec cette
institution dont le nom est trop souvent associée au détournement de
fonds, à l’amateurisme, à l’incompétence, à la magouille et à la
corruption. Tu as été un grand joueur et tu as de nombreux amis dans les
clubs professionnels. Donc personne ne pouvait même te proposer un
poste de Directeur sportif ou de Directeur du centre de formation dans
un petit club ? C’est vrai qu’il faut un certain niveau intellectuel et
que pour toi ça allait être compliqué. Mais mon grand, tu vois que si tu
n’avais pas fait inutilement la guerre à ton ancien frère le « 9 », je
suis sûr qu’il aurait pu te donner un coup de main pour ta reconversion,
en te recommandant auprès de certains clubs ou en te permettant au
moins de finir ton immeuble. Mais on m’a dit que lui il a un bon cœur et
que malgré ce que tu lui as fait, si tu l’appelles, il répondra
présent. Je sais que tu es orgueilleux et que tu te dis que ce serait te
rabaisser que de l’appeler, mais ce sont les gens qui ont un peu qui
sont orgueilleux mon grand. Quand on n’a rien on laisse d’abord
l’orgueil de côté. Sauf si tu penses que notre neveu pourra faire
quelque chose pour toi, mais je te dis déjà de ne pas trop compter sur
lui car toi-même tu sais qu’en dehors du nom, votre principal point
commun c’est qu’on vous appelle « frein à main », pour stigmatiser votre
chicheté.
Mbombo, moi je suis toujours là où tu
m’as laissé et j’attends toujours ce que tu m’as promis depuis. J’espère
que tu recevras cette lettre parce que je t’en ai envoyé plusieurs
autres avant et quand on se voit après, tu me dis toujours que tu n’as
rien reçu. C’est pourquoi je ne l’envoie pas par le service courrier de
l’agence de voyage. Je la donne à une cousine qui voyage ce soir et qui
te la remettra en mains propres. Mbombo même si c’est fort sur toi,
pardon trouve moi-même 50 000 FCfa pour que j’inscrive quand même les
enfants à l’école. Tes neveux sont toujours à la maison et les pluies
ont gâté toutes les récoltes. Je suis à sec et si tu ne fais rien, ils
vont seulement rester à la maison et on va encore plus se moquer de moi
au village. N’est ce pas qi tu étais comme les autres oncles tu aurais
même pris deux ou trois parmi tes neveux pour les positionner quelque
part ? En tout cas, ne m’oublie pas. Je vais m’arrêter là pour cette
fois, mais je te promets que dans deux mois, lorsque les fêtes de fin
d’années vont approcher, je te ferais une autre lettre pour te raconter
ce qui se dit ici au village et surtout pour te rappeler que tu dois
m’envoyer quelque choses pour arrêter mes poches.
Ton petit frère adoré